Ce qu’on savait déjà:
Depuis maintenant une 60aine d’années, il est établi que la consommation d’alcool pendant la grossesse est un facteur de risque majeur pour le développement de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). L’alcool est un tératogène direct, dont la toxicité varie selon la dose, la fréquence, le moment de l’exposition gestationnelle et plusieurs cofacteurs maternels (âge avancé, indice de masse corporelle faible, faible niveau socio-économique, malnutrition…). La littérature scientifique s’est longtemps focalisée exclusivement sur la consommation de la maman. Cependant, depuis une vingtaine d’années, des études expérimentales animales ont révélé que la consommation d’alcool préconceptionnelle du père pouvait également entraîner des atteintes chez la descendance : i) anomalies physiques (poids de naissance, périmètre crânien, malformations), ii) troubles du comportement (délai de développement, altération motrice, agressivité accrue), iii) atteintes de la fertilité et de la qualité du sperme et iv) modifications épigénétiques (ex. : déméthylation de l’ADN spermatique). Chez l’humain, les études sont rares. Quelques données suggèrent une association entre alcool paternel et risque accru de fausse couche, malformations, ou microcéphalie, mais les effets directs et indépendants de l’alcool paternel sur les TSAF restent très peu documentés. De plus, la forte corrélation entre consommation maternelle et paternelle complique les analyses.
Qu’apporte cette nouvelle étude?
C’est dans ce contexte que cette dernière étude visait à déterminer si l’alcool consommé par les pères a une influence propre sur la sévérité des TSAF chez l’enfant, une fois les expositions maternelles contrôlées.
Cette nouvelle étude explore donc une question rarement abordée : la consommation d’alcool des pères peut-elle influencer la sévérité des TSAF chez l’enfant ? Les données, issues de plusieurs études de cohorte menées en Afrique du Sud, confirment un fait troublant : la consommation excessive d’alcool chez les pères est associée à une réduction de la taille, du périmètre crânien et du QI verbal chez l’enfant, indépendamment de la consommation maternelle.
➡️ Lorsque les deux parents consomment de l’alcool, les enfants présentent les formes les plus sévères de TSAF.
➡️ Bien que l’alcool maternel reste le facteur principal, la consommation paternelle pourrait amplifier certains effets via des mécanismes encore mal compris (altérations de l’ADN du sperme, épigénétique…).
Cette étude, basée sur des cohortes sud-africaines d’enfants scolarisés et entièrement évalués pour les TSAF, révèle plusieurs points majeurs : i) Une consommation d’alcool fréquente et importante chez les pères (73,2 % des pères d’enfants atteints de TSAF déclaraient avoir bu pendant la grossesse contre 63,4 % dans le groupe contrôle. Ils consommaient plus d’unités par occasion et faisaient plus souvent des épisodes de binge drinking.), ii) Une influence indépendante mais partielle sur certaines mesures de l’enfant (Après ajustement sur la consommation maternelle et le tabac, la consommation paternelle est associée à une diminution significative de la taille, du périmètre crânien et du QI verbal chez l’enfant. Toutefois, aucune association indépendante n’est retrouvée pour les scores de dysmorphologie ou les diagnostics de TSAF lorsque l’alcool maternel est contrôlé.), iii) Un effet cumulatif nocif quand les deux parents boivent (Les formes les plus sévères de TSAF (petite taille, microcéphalie, scores cognitifs faibles, anomalies faciales marquées) sont observées lorsque le père ET la mère consomment de l’alcool, même si la mère reste le facteur déterminant.), iv) Des implications pour la prévention (Le message classique « une femme enceinte ne boit jamais seule » pourrait être complété : « un père buveur contribue aussi aux risques pour l’enfant ».Les campagnes de prévention devraient inclure les futurs pères, et pas seulement les femmes enceintes, en soulignant l’importance de l’abstinence préconceptionnelle.), v) Des perspectives de recherche (Les auteurs appellent à des recherches fondamentales sur les mécanismes biologiques sous-jacents : épigénétique, effets spermatiques, vulnérabilités combinées. Ils soulignent la nécessité d’inclure systématiquement les habitudes de consommation paternelles dans les études sur les TSAF.)
Conclusion générale
Bien que la consommation maternelle reste le principal facteur de risque des TSAF, cette étude montre que la consommation paternelle d’alcool, surtout en cas de binge drinking, peut aggraver certains traits cliniques, en particulier les dimensions somatiques et cognitives. La combinaison des deux parents expose l’enfant à un risque maximal.
Un double message de santé publique se dégage :
Pas d’alcool pour la future mère — mais pas non plus pour le futur père.
Les efforts de prévention des TSAF doivent donc s’adresser aussi aux futurs pères. L’alcool avant et pendant la grossesse concerne les deux parents.
📚 Référence : Does paternal alcohol consumption affect the severity of traits of fetal alcohol spectrum disorders? (May et al., ACER 2025) – https://doi.org/10.1111/acer.70105
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