Nouvelle stratégie thérapeutique contre l’alcoolodépendance : la combinaison varénicline et bupropion confirme son intérêt, des modèles animaux à l’essai clinique

Ce qu’on savait déjà:

Dans un modèle animal de rechute alcoolique (effet de privation d’alcool, ou alcohol deprivation effect), l’administration combinée de varénicline (agoniste partiel des récepteurs nicotiniques) et de bupropion (inhibiteur de la recapture de dopamine et noradrénaline) a montré des effets synergiques particulièrement marqués. L’étude menée par Söderpalm et al. (Addiction Biology, 2019) a d’abord confirmé que chaque molécule administrée seule augmentait les concentrations extracellulaires de dopamine dans le striatum ventral (noyau accumbens), mais que leur combinaison entraînait une élévation additive de cette transmission dopaminergique. Plus important encore, seule l’association des deux molécules permettait de bloquer complètement l’effet rebond de consommation observé après une période de sevrage prolongé chez le rat, alors que les traitements administrés séparément restaient inefficaces. Ce résultat est particulièrement pertinent, l’effet de privation étant considéré comme un prédicteur robuste de la rechute chez l’humain.

Qu’apporte cette nouvelle étude?

Un ensemble cohérent de données précliniques et cliniques apporte des éléments solides en faveur de l’utilisation combinée de traitements agissant sur la neurotransmission dopaminergique : la varénicline et le bupropion, pour traiter les troubles de l’usage d’alcool (TUA).

Forts de ces données, les auteurs ont conduit un essai randomisé, contrôlé contre placebo, en double aveugle, dans quatre centres suédois, auprès de 384 patients présentant un TUA modéré à sévère. L’étude (The Lancet Regional Health – Europe, 2025) visait à évaluer l’efficacité et la tolérance de la varénicline (2 mg/j) et du bupropion (300 mg/j), seuls ou en combinaison, pendant 12 semaines. Deux critères de jugement principaux ont été retenus : un marqueur biologique sanguin objectif de la consommation (le phosphatidyléthanol, ou PEth) et le pourcentage de jours de forte consommation (≥70 g/j pour les hommes, ≥56 g/j pour les femmes).

➡️L’analyse en intention de traiter montre que les deux traitements à base de varénicline (seule ou en combinaison avec le bupropion) réduisent significativement la consommation d’alcool par rapport au placebo, à la fois sur le PEth (Cohen’s d = 0,39 pour la combinaison ; d = 0,31 pour la varénicline seule) et sur les jours de forte consommation (d = 0,31 et 0,36 respectivement). En revanche, les différences entre la combinaison et la varénicline seule ne sont pas statistiquement significatives selon le plan hiérarchique de l’analyse, ce qui limite l’interprétation des effets spécifiques du bupropion sur l’efficacité. Toutefois, dans l’analyse per protocole (patients très observants), les tailles d’effet sont plus élevées pour la combinaison (d ≈ 0,43) que pour la varénicline seule (d ≈ 0,30), ce qui suggère un bénéfice potentiel en termes d’efficacité dans des conditions optimales de traitement.

➡️Un autre intérêt de la combinaison repose sur la meilleure tolérance observée : l’ajout du bupropion permet de réduire significativement la fréquence et la durée des nausées induites par la varénicline, effet indésirable fréquent de ce traitement. Ce profil de tolérance amélioré pourrait faciliter l’adhésion au traitement dans la vraie vie.

Conclusion générale:  Cette série de travaux représente une avancée importante dans le traitement du TUA. Elle fournit une preuve de concept solide du rôle pathogénique d’un état hypodopaminergique et ouvre la voie à des stratégies de restauration de la transmission dopaminergique via des approches combinées. Si la varénicline seule est déjà un candidat crédible pour les patients présentant une double dépendance tabac/alcool, cette dernière étude suggère l’intérêt de l’ajout du bupropion, en particulier chez les patients motivés, à haut risque de rechute, ou pour lesquels la tolérance des traitements est un enjeu majeur..

📚 Références : Efficacy and safety of varenicline and bupropion, in combination and alone, for alcohol use disorder: a randomized, double-blind, placebo-controlled multicentre trial. Söderpalm, Bo et al. The Lancet Regional Health – Europe, Volume 54, 101310. 10.1016/j.lanepe.2025.101310 

Soderpalm, B. ∙ Danielsson, K. ∙ de Bejczy, A. ∙ et al. Combined administration of varenicline and bupropion produces additive effects on accumbal dopamine and abolishes the alcohol deprivation effect in rats. Addict Biol. 2020; 25, e12807

-> Lien vers l’étude