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2021 Recommandations Alcool-Foie de l’AFEF

Les conséquences hépatiques de la consommation excessive d’alcool représentent la première cause de décès liés au foie et la première cause de transplantation hépatique en France.

Quelques chiffres:

  • Le taux de mortalité par cirrhose liée à l’alcool pour 100 000 individus en France était estimé en 2015 à 14,9 pour les hommes et 5,2 pour les femmes.
  • Le nombre de décès liés à une cirrhose liée à l’alcool de 3 614 décès en 2016 (2 715 chez les hommes et 899 chez les femmes).
  • La prévalence de la cirrhose en lien avec l’alcool décompensée se situe probablement autour de 6 000 à 7 000 patients.

Télécharger les recommandations.

Liver International – 2022 – recos AFEF alcool

Synthèse des recommandations:

COMMENT REPÉRER UNE CONSOMMATION EXCESSIVE D’ALCOOL EN MÉDECINE GÉNÉRALE ET EN CONSULTATION SPÉCIALISÉE

  • L’évaluation de la consommation d’alcool doit être systématique en consultation médicale.
  • Le questionnaire AUDIT-C (3 premières questions de l’AUDIT) doit être utilisé en médecine générale et en consultation spécialisée pour le repérage d’une consommation excessive d’alcool.
  • Les marqueurs biologiques n’ont pas d’utilité dans le repérage systématique du mésusage d’alcool.
  • Une intervention brève doit être proposée aux patients identifiés comme présentant un mésusage d’alcool. Cette intervention brève doit pouvoir être effectuée par tout praticien.

PROFIL DE CONSOMMATION (DÉFINITIONS, PROBLÉMATIQUE DES SEUILS, MODALITÉS DE CONSOMMATION, ÂGE, SEXE),BINGE DRINKING ET FOIE

  • Il est recommandé de dépister la pratique du binge drinking en tant que mode de consommation à risque, en particulier dans les populations adolescentes et jeunes adultes. Il est toujours recommandé d’explorer les autres modes de consommation d’alcool.

GESTION DE LA RÉDUCTION DES RISQUES : 3 OBJECTIFS SELON LA PRÉSENCE OU NON D’UNE CIRRHOSE

  • Une consommation quotidienne d’alcool est associée à des risques pour la santé qui sont proportionnels à la quantité ingérée. Bien que cette toxicité ne concerne pas uniformément tous les organes, le risque global existe dès 1 à 2 unités standard par jour.
  • A titre de repère, on peut proposer de ne pas dépasser une consommation d’alcool hebdomadaire de 10 verres en population générale pour éviter les risques globaux pour la santé.
  • Concernant spécifiquement le risque de cirrhose liée à l’alcool, il est recommandé de ne pas dépasser une consommation de 14 verres par semaine chez la femme et 21 verres par semaine chez l’homme.
  • Malgré l’absence de données spécifiques au risque hépatique, on peut proposer d’observer au moins une journée sans alcool au cours de chaque semaine.
  • Il est probablement recommandé d’arrêter complètement et définitivement tout usage d’alcool chez les patients atteints de cirrhose et/ou de CHC afin de limiter les risques de surmortalité.
  • Des études complémentaires seront nécessaires pour évaluer l’impact d’une faible consommation sur le pronostic global de ces patients.

PRISE EN CHARGE MÉDICAMENTEUSE DU TROUBLE D’USAGE D’ALCOOL : INFLUENCE DE LA PRÉSENCE D’UNE HÉPATOPATHIE AVANCÉE

  • Le traitement du sevrage en alcool symptomatique repose sur les benzodiazépines, classe médicamenteuse de référence, jusqu’à disparition des symptômes.
  • L’existence d’une hépatopathie décompensée doit inciter à privilégier une prescription personnalisée, adaptée aux symptômes, en utilisant plutôt les molécules à courte durée d’action.
  • Un traitement pharmacologique doit être discuté pour favoriser le maintien des objectifs de consommation d’alcool (abstinence ou réduction de consommation) chez les patients dépendants.
  • Selon leur RCP, la naltrexone, le nalméfène et le disulfirame sont contre- indiqués en cas d’insuffisance hépatocellulaire. Le caractère absolu de ces contre-indications n’est pas étayé par des données solides de la littérature. L’utilisation de ces molécules en cas de maladie hépatique sévère devrait donc être appréciée au cas par cas en fonction de ses risques, de ses bénéfices attendus et des autres possibilités de traitement.
  • L’existence d’une maladie hépatique ne modifie pas les indications et les modalités d’utilisation de l’acamprosate.
  • L’existence d’une maladie hépatique ne modifie habituellement pas les modalités de prescription du baclofène aux doses recommandées par l’AMM (c’est-à-dire jusqu’à 80 mg/j).
  • On recommande cependant une augmentation plus progressive des doses en cas de maladie hépatique sévère.
  • Les experts recommandent de mener spécifiquement des études pharmacologiques sur les molécules d’aide au maintien d’abstinence chez les patients avec insuffisance hépatique et/ou décompensation de cirrhose.

DIAGNOSTIC INVASIF ET NON INVASIF DE LA FIBROSE ET DE LA STÉATOSE AU COURS DE LA MALADIE DU FOIE LIÉE À L’ALCOOL

  • Il est recommandé d’effectuer une évaluation non invasive de la fibrose hépatique chez tout patient ayant une maladie du foie liée à l’alcool.
  • Les méthodes les mieux validées pour l’évaluation de la fibrose hépatique dans la maladie du foie liée à l’alcool sont l’élastométrie et les tests sanguins spécialisés (Fibrotest® ou Fibromètre Alcool®). En première intention, il est recommandé d’effectuer l’évaluation non invasive de la fibrose hépatique dans la maladie du foie liée à l’alcool avec le FibroScan® ou par un test sanguin spécialisé (Fibrotest® ou FibroMètre Alcool®).
  • Il est recommandé d’interpréter les résultats d’élastométrie en appliquant des seuils spécifiques selon les taux d’ASAT et de bilirubine observés au moment de la mesure.
  • Il n’est pas recommandé d’utiliser le test sanguin APRI pour évaluer la fibrose dans la maladie du foie liée à l’alcool.
  • La validation des tests sanguins et du CAP (Controlled Attenuation Parameter) pour évaluer la stéatose est insuffisante au cours de la maladie du foie liée à l’alcool.
  • La biopsie hépatique dans la maladie du foie liée à l’alcool reste principalement indiquée en cas de doute sur l’existence d’une maladie hépatique chronique associée, ou en cas de bilan non invasif discordant émettant un doute quant à l’existence d’une cirrhose.

MALADIE DU FOIE LIÉE A L’ALCOOL ET COMORBIDITÉS

  • Au cours de la maladie du foie liée à l’alcool, le tabagisme augmente le risque de fibrose et de carcinome hépatocellulaire.
  • L’aide à l’arrêt du tabac fait donc partie de la prise en charge de la maladie du foie liée à l’alcool.
  • En raison de leur grande prévalence, les experts recommandent de dépister la présence de troubles cognitifs.
  • Les experts recommandent la réalisation d’études évaluant le potentiel impact hépatique de la consommation de cannabis au cours de la maladie du foie liée à l’alcool.
  • Les experts recommandent d’impliquer les équipes d’addictologie de liaison dans le parcours de soins des patients ayant une maladie du foie liée à l’alcool.
  • L’obésité et le syndrome métabolique accélèrent la progression de la maladie du foie liée à l’alcool. Par conséquent, les experts recommandent d’envisager la prise en charge spécifique du surpoids et de l’obésité.
  • Les experts recommandent de promouvoir la recherche clinique et translationnelle dans le domaine du syndrome métabolique et des facteurs de risque cardiovasculaire au cours de la maladie du foie liée à l’alcool.

DÉPISTAGE DE LA MALADIE DU FOIE LIÉE À L’ALCOOL EN POPULATION GÉNÉRAL

  • Afn d’identifier dans la population générale les personnes ayant une maladie du foie avancée liée à l’alcool, il est probablement recommandé de définir un groupe cible remplissant les critères suivants : âge ≥ 40 – 45 ans et test AUDIT pathologique et/ou consommation déclarée ≥ 14 verres/semaine.
  • Il n’est pas recommandé d’utiliser les transaminases pour dépister une maladie avancée du foie liée à l’alcool en population générale exposée à une consommation à risque.
  • Il est recommandé d’utiliser un test non invasif pour dépister de manière ciblée la fibrose avancée/cirrhose liée à l’alcool.
  • Les experts recommandent de mettre en place des études autour du parcours de soins des patients consommateurs excessifs d’alcool et d’intégrer le dépistage de la maladie du foie liée à l’alcool au dépistage plus général des maladies du foie, notamment la stéatopathie métabolique et les hépatites virales B et C.

HÉPATITE ALCOOLIQUE

  • La biopsie hépatique est recommandée pour confirmer une suspicion clinique d’hépatite alcoolique chez les patients candidats à un traitement spécifique.
  • En l’absence de biopsie, la classification du NIAAA (National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism) devrait être utilisée afin de ne proposer un traitement qu’aux patients ayant une hépatite alcoolique probable.
  • Le développement de tests non invasifs pour le diagnostic d’hépatite alcoolique est fortement recommandé. De tels tests pourraient permettre une amélioration de l’identification et de la prise en charge des patients ayant une hépatite alcoolique sévère ou non sévère.
  • Les scores de Maddrey et de MELD sont les scores recommandés pour identifier les formes sévères d’hépatite alcoolique.
  • Les experts recommandent de ne plus utiliser l’expression « hépatite alcoolique non sévère » en cas de score de Maddrey inférieur à 32 chez les patients symptomatiques, en raison d’une mortalité à 1 an proche de 20%.
  • Prenant en compte ces éléments, les experts proposent d’utiliser le terme d’« hépatite alcoolique symptomatique » chez les patients présentant une hépatite alcoolique avec ictère et d’y associer l’adjectif « sévère » en cas de score de Maddrey à plus de 32 et « modérée » en cas de score inférieur à 32.
  • Le score de Lille doit être calculé au septième jour du traitement pour identifier les patients non répondeurs à ce traitement.
  • Les patients ayant un score de Lille ≥ 0,45 sont considérés comme non- répondeurs au traitement et la corticothérapie doit être interrompue chez ceux ayant un score de Lille ≥ 0,56.
  • La recherche d’une infection doit être systématiquement effectuée dans les formes sévères d’hépatite alcoolique.
  • La combinaison des scores de Lille et MELD est l’approche optimale pour évaluer le risque de décès à court et moyen terme.
  • La survie dans les 3 premiers mois est liée à la sévérité de l’hépatite alcoolique et à l’amélioration précoce de la fonction hépatique.
  • Les experts recommandent ce critère pour l’évaluation des nouvelles molécules.
  • Le pronostic à long terme dépend essentiellement de l’obtention d’une abstinence. Une prise en charge addictologique doit être systématiquement proposée après un épisode d’hépatite alcoolique.
  • La corticothérapie (prednisolone 40 mg/jour ou méthylprednisolone 32 mg/jour) est recommandée chez les patients présentant une forme sévère d’hépatite alcoolique. Elle améliore la survie à court terme sans qu’il ne soit observé de bénéfice en termes de survie à moyen et long terme.
  • L’association N-acétylcystéine et corticoïdes peut être proposée chez les patients présentant une forme sévère d’hépatite alcoolique.
  • Du fait de son inefficacité, la pentoxifylline ne doit plus être proposée chez les malades ayant une hépatite alcoolique sévère.
  • Une transplantation hépatique en procédure accélérée doit être discutée pour les patients en impasse thérapeutique. Le processus de sélection doit être rigoureux et pluridisciplinaire dans le centre de transplantation de référence.

 

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